Bayous brumeux, fêtes foraines, cirques provinciaux, bas-fonds des petites villes, fermes délabrées, sont les décors récurrents de ce qu’il est commun d’appeler le cinéma Bis. Bonne nouvelle, ces bobines égarées de l’histoire, tournées le plus souvent par des cinéastes oubliés eux aussi, ont enfin leur temple sur ByNWR!
Il est important de saluer l’initiative de Nicolas Wending Refn, cinéaste capable du meilleur comme du pire (Drive, Neon demon) mais véritable passionné d’images rares. Dans une démarche de collectionneur, digne héritier de Martin Scorsese ou de Bertrand Tavernier, Wending Refn lance en 2018 un site entièrement dédié aux figures obscures d’un cinéma enfoui sous les décombres hollywoodiens. Les cinéphiles de tous bords, rats de cinémathèques, piliers de ciné-clubs, errant la nuit sur d'obscurs sites de téléchargements, viennent alors de trouver leur antre !
Avec ByNWR ("Par Nicolas Winding Refn"), c'est un temple du cinéma Bis qui émerge sur la toile. Attention, cinéma Bis ne veut pas dire médiocre! Le cinéma Bis est un genre que l’on pourrait qualifier de “politique”, de par son économie et les thèmes qu’il aborde notamment. Les films, réalisés dans des délais très courts avec des bouts de ficelles, étaient destinés à un public essentiellement populaire avant d'être redécouverts dans les années 60 et 70 par les revues de cinéma spécialisées et de trouver une seconde vie dans les ciné-clubs des grandes villes. Ces œuvres furent des terreaux d’expérimentation et de représentation d’une culture bis aussi : Érotisme, « déviances » multiples, féminisme, blacksploitation, Homosexualité, freaks, Outcast, déclassés… Le cinéma bis des années 50 à 70 a permis un certain nombre de représentations rendues quasi impossibles dans un cinéma Hollywoodien alors verrouillé par le Code Hays.
Nous devons à ces films de série Z la révélation d’artistes tels que G Edgar Ulmer (Détour), Don Siegel (« Invasion of the body snatchers »), Denis Hoper, Betty Page, Russ Mayer, Roger Corman, Ida Lupino, Jack Nicholson, Georges Romero, Monte Hellman et jusqu’aux premiers films de Brian De palma, ou de John Waters (parmi tant d’autres cinéastes oubliés) : Les précurseurs de ce que l’on appellera plus tard le « Nouvel Hollywood ».
Avec des clairs obscurs violents, des grains saturés, des décors urbains pesants, un jeu d’acteurs et d’actrices souvent direct et sans fioriture (proche du néoréalisme), les perles du cinéma bis que nous permet de découvrir ByNWR, nous révèlent à quel point l’économie d’un film peut aussi en structurer la forme et la modernité.
Il était donc temps que ces films rares aient leur sanctuaire. Et quel sanctuaire! Le travail réalisé autour du site ByNWR, est un modèle en soi. A commencer par le site lui-même, écrin au design sombre et aux typographies percutantes d'où émergent des images comme sorties de la nuit.
Pour ce qui est du programme, chaque trimestre l’équipe met en ligne un « volume » (il y en a 11 à ce jour, soit près de 35 films) autour d’une thématique déclinée en trois chapitres. Chaque chapitre est structuré autour d’un film entièrement restauré et, la plupart du temps, sous-titré en plusieurs langues (dont le français). Les chapitres sont agrémentés d’articles d’une densité et d’une finesse exceptionnelle. Et, cerise sur le gâteau, l’accès à tous ces contenus est totalement gratuit.
Le « Volume 2 » proposé par le site, traite par exemple des « Chaînons manquants » à travers 3 films et 23 articles! Un programme incroyable permettant d’explorer jusqu’au bout ces joyaux extirpés de l’oubli.
Pour les cinéphiles ou les curieux en mal de nouveauté, n’hésitez pas à foncer sur ce site, véritable perle noire du web, cinémathèque des égarés.
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